samedi 2 février 2013

La montre avec - Derniers pas - Elévation ...


Je prépare actuellement une expo en collaboration avec Henri-Louis Pallen
http://www.lierreentravail.com/index2.html
Elle se tiendra en Alsace, à partir du mois de Mai 2013 et sera un hommage à son père et par extension à tous ceux et celles qui ont résisté et résistent encore face aux oppresseurs ...
L'expo se construira sur 4 X 3 poèmes d'Henri-Louis et illustrations de ma part ...
Je vous livre ici le premier triptyque ...


La montre avec



            Il ne parlait jamais beaucoup, rarement vite,
Et gardait un goût de l’espace entre les mots,
Ne les appelant que dans leur pleine conscience.
Certains, trop vastes, ne lui correspondaient pas.
Il s’en moquait, feignant de ne pas les comprendre,
Je ne crois pas un instant qu’il les méconnût.
A vivre ils ne lui étaient guère nécessaires,
L’enfant en lui restait à l’écart de leur jeu ;
Il en utilisait des simples, pour tout le monde,
Qui exprimaient avec précision sa pensée.
Les siens portaient la trace du coin de l’épreuve,
Chacun pesé à l’once de l’arrachement.
Sachant bien ce que sang et douleur veulent dire,
Il n’employait qu’avec force parcimonie
(Le silence lui semblant mieux qu’eux les traduire)
Les justes mais douloureux, sans s’en défier.
Il les taisait plutôt, préférant le partage
Des joies présentes, des promesses du futur.
Mesuré, il regardait toute la balance
Par nostalgie de son équilibre perdu. 


Derniers pas



Animal dans la neige mordante, jusqu’où
Espères-tu pousser ainsi ton hébétude
Petit pas après petit pas, en t’arc-boutant
Sur l’abrupte douleur qui plombe ton errance ?

Il faut tenir, quoi qu’il t’en coûte il faut tenir,
Corps et esprit tendus, acharnés à survivre,
Ce qui d’abord t’impose de rester debout ;
Sous l’averse du feu aucun secours n’avance.

Tu sais ta direction : plus de temps pour penser.
Bouge, surtout. N’attends compassion de personne.
Tout est là pour te perdre dans cet air glacé
Où le vent, et la nuit qui vient, se coalisent.

Qu’importe ce qui va t’échoir dans l’immédiat,
Au bout de cette ligne rouge que tu traces ;
Homme animal qui n’as plus rien de supérieur,
Ne cède pas à l’ankylose mortifère.

Piégé du coup par ce qui te reste étranger,
Soumis au mystère absolu de la violence,
Proche de lui avoir fait don de tout ton sang
Qui forme avec la neige une boue de géhenne ;

Deux pas, malgré l’obstacle de son épaisseur !
Interdit vaciller, juste quelques secondes.
La mort est douce. Si tu ploies elle te prend,
Tu glisseras inaperçu dans son vacarme.

Consacre ta dernière lueur de pensée
A l’assoiffée de vie qui t’attend comme source,
A ton fils déjà là, à moi qui ne suis pas,
Qui ce soir nous croyons dispensés de prière.

Elévation


A mon père
Nous sommes venus ensemble à tes autels de misère,
En fils que ne retient ni absence ni temps passé,
La frénésie du monde les fuyant en sens contraire
Du respect, de la réminiscence, la dilection.
Voici en actes ce que nous ne t’avons jamais dit
Dans le tourbillon de nos fébrilités respectives,
Lorsqu’en chair avec nous tu nous aurais bien entendus.
Sur un fond de clair-obscur que notre approche tamise
Nous voilà ni apitoyés, ni tristes, mais aimants,
Perclus de stupeur à la pensée de ta solitude,
Du sang que tu as versé pour nous maintenir en vie.
Il suit son rythme ce jour, sans nuage dans nos veines,
Par tous ces lieux de chaos devenus pays de bonheur.
La lumière du matin y apporte une vie libre
Où il est une grâce d’être tes prolongements.










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