lundi 30 janvier 2012

Au seuil d'un autre monde ...



" Toute la nuit j'ai dormi avec toi
près de la mer, dans l'île.
Sauvage et douce tu étais entre le plaisir et le sommeil,

entre le feu et l'eau.

Très tard peut-être
nos sommeils se sont-ils unis
par le sommet ou par le fond,
là-haut, comme des branches agitées par le même vent,
en bas, comme rouges racines se touchant.

Peut-être ton sommeil
s'est il aussi dépris du mien
et sur la mer et sur sa nuit
m'a-t-il cherché
comme avant toi et moi,
quand tu n'existais pas encore,
quand, sans t'apercevoir,
je naviguais de ton côté
et que tes yeux cherchaient
ce qu'aujourd'hui
- pain, vin, amour, colère -
je t'offre à pleines mains
à toi, la coupe
qui attendait de recevoir les présents de ma vie.

J'ai dormi avec toi
toute la nuit alors
que la terre en sa nuit tournait
avec ses vivants et ses morts,
et lorsque je me réveillais
soudain, par l'ombre environné,
mon bras te prenait par la taille.
La nuit ni le sommeil
n'ont pu nous séparer.

J'ai dormi avec toi
et ta bouche, au réveil,
sortie de ton sommeil
me donna la saveur de terre,
d'algues, d'onde marine,
qui s'abrite au fond de ta vie.
Alors, j'ai reçu ton baiser
que l'aurore mouillait
comme s'il m'arrivait
de cette mer qui nous entoure. "

Pablo Neruda
(extrait de "Les Vers du Capitaine")

© Traduction Pierre Clavilier

dimanche 15 janvier 2012

Exil ...


" Un homme atteint de telle solitude, qu'il aille et qu'il suspende aux sanctuaires le masque et le bâton de commandement !
Moi je portais l'éponge et le fiel aux blessures d'un vieil arbre chargé des chaînes de la terre.
" J'avais, j'avais ce goût de vivre loin des hommes, et voici que des Pluies ... "

Transfuges sans message, ô Mimes sans visage, vous meniez aux confins de si belles semailles !
Pour quels beaux feux d' herbages chez les hommes détournez-vous un soir vos pas, pour quelles histoires dénouées au feu des roses dans les chambres, dans les chambres où vit la sombre fleur du sexe ?

Convoitez-vous nos femmes et nos filles derrière la grille de leurs songes ? "

" Exil " , Saint-John Perse

lundi 9 janvier 2012

Au fléau de son aile ...


" L'oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour, un singulier destin.
Migrateur, et hanté d'inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits .
Et son cri dans la nuit est cri de l'aube elle-même : cri de guerre sainte à l'arme blanche .

Au fléau de son aile, l'immense libration d'une double saison ; et sous la courbe du vol, la courbure même de la terre ...
L'alternance est sa loi, l'ambiguïté son règne.
Dans l'espace et le temps qu'il couvre d'un même vol, son hérésie est celle d'une même estivation.
C'est le scandale aussi du peintre et du poète, assembleurs de saisons aux plus hauts lieux d'intersection.

Ascétisme du vol !
L'oiseau, de tous nos contemporains le plus avide d'être, est celui-là qui, pour nourrir sa passion , porte secrète en lui la plus haute fièvre du sang. Sa grâce est dans la combustion. Rien là de symbolique : simple fait biologique. Et si légère pour nous est la matière oiseau, qu'elle semble, à contre-feu du jour, portée jusqu'à l'incandescence .

Un homme en mer , flairant midi lève la tête à cet esclandre : une mouette blanche ouverte sur le ciel, comme une main de femme contre la flamme d'une lampe, élève dans le jour la rose transparence d'une blancheur d'hostie ...

Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d'autres rives ."

Oiseaux, Saint-John Perse

dimanche 8 janvier 2012

Et si chaque algue était le Passeur d'un oiseau mort ?


Et si chaque algue était le Passeur d'un oiseau mort ?
M'est venue cette image en exploration venteuse de ce jour ...
Fascination irrévocable pour ce gisant, là à pan de sable...
Etourdissement enivré de vent et d'embrun ...
Comment résister à la lumière aphrodisiaque de cette lumière de plumes ...
L oiseau cadavre volait encore au flux et reflux de vagues infatigables ...
Et j'ai aimé ce moment, me suis évanouie au corps froid de cet ange déchu ...
L'algue m'a dit le secret des voyages aériens interdits ...
Elle vibre désormais d'eau et de lumière ...
Les os de l'oiseau sont gonflés d'air, dit-on ...
L' algue maintient cet air dans de petites vésicules qu'elles maintiennent à fleur d'eau, en cette frontière ténue entre eau et air ...
Elle n'existe que par le courant de l'eau et c'est un spectacle fascinant que de voir comment chacune se dit à son milieu ...
J'ai vu ce jour les noces funèbres entre l'oiseau exsangue et l'algue ...
Et je me suis tue ...
L'âme entre deux mondes et les pieds en eau salée ...

samedi 7 janvier 2012

D'algues et d'autoportrait ...


" Et l'on ramasse aussi , pour les abords des temples et pour les lieux d'asile, de ces petites algues sèches de literie appelées posidonies. Et les trieuses de lentilles , coiffées de longues visières de feuillages , s'attablent aux gradins de pierre et sur les avancées de pierre en forme de comptoirs.
Aux pointes d'îles sont les sternes, qui frayent avec l'huîtrrier-pie. Et l'aiguille aimantée du bonheur tient sur les sables immergés sa lourde flèche d'or massif . Un poisson bleu, du bleu d'orfèvre, qui vire au ver de malachite aimé des grands nomades, croise seul, en eau libre, comme un vaisseau d'offrande ... "
Saint-John Perse

lundi 2 janvier 2012

Au Temple de la Nature ...


" La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. "

Baudelaire, Les Fleurs du Mal, IV.


dimanche 1 janvier 2012

Il est des images ...





Bhoutan, le royaume secret des plantes médicinales


Parce que mes père et grand-père étaient herboristes et que ce reportage rejoint mes aspirations et intérêts actuels ...