lundi 25 février 2013

Escale au Cabinet des Curiosités ...


Petit intermède aux illustrations pour l'expo ...
Je reprends le Cabinet des Curiosités ...
Une nouvelle manière d'aborder la peinture ...
Ci-dessous, Inspiration Jacques Fabien Gautier Dagoty ...


Je me permets de réinterpréter son oeuvre ...
Me vient une autre manière de peindre qui me surprend, plus en détail ...
Plaisir de découvrir, de partager un moment de création avec l'un de mes enfants ( Syméon, 16 ans qui a peint une partie du scarabée ) ...


Je me suis dite cette nuit que peut-être y manquait-il du texte ...
Je vous posterai au fur et à mesure l'évolution de ce travail ...

Et pendant ce temps, le livre aquatique se nourrit des vibrations du temps ...




J'improvise un dialogue abyssal en expérimentation porcelaine-papier ...


Et je dessine les étranges spécimens rencontrés lors des expéditions à bord du Kaïkan car vous vous doutez bien que ces Cabinets des Curiosités ne sont autres que trésors, étonnements, végétaux, animaux, pierres recueillis par ces savants, poètes , aventuriers montés à bord ...












samedi 16 février 2013

Suspens - Récit d'un rêve - Vide ...

Elle est née la troisième série de trois illustrations en vue de l'expo ...
Elle est née au froid de l'hiver, à un week-end sans feu , en lien direct avec les conditions de l'époque ...

Suspens 





Peu s’en faudrait que je doute que les morts ne soient plus,

qu’ils ne transmettent plus rien, aient perdu toute parole

malgré tant de présence vivante autour de nous,

qui se serait à eux substituée dans ce silence

selon un credo commun, affiché, définitif.

On ne se sent pas entier amarré aux certitudes

qui de toute façon disent plus qu’elles ne devraient,

quand un rai de soleil moins persuasif que les autres

échoue à submerger l’ombre d’une main en suspens

devant un éventail de questionnement sous sa feuille.

Pris d’inquiétude, on n’ignore pas toujours l’appel

même assourdi, de ce qui palpite par l’entourage

comme une jeune chênaie dans la brise du matin,

fût-ce en l’absence d’un filet d’air traversant la pièce.

Peu s’en faudrait que je croie les morts libres parmi nous

d’être regard, pensée, affleurant sous notre langage,

à nous tendre quelque trop propice pont des soupirs.

On s’y hasarde par seule fatigue ou par faiblesse,

voulant donner toujours mais inaptes à recevoir.


Vint ensuite le 

Récit d'un rêve 


                                Jusque dans la fiction : Récit d’un rêve (extrait de roman)


A force de penser à son père trop tôt parti, René s’endormait. Il se retrouva assis à califourchon sur une chaise devant un feu de bûches de chêne. C’était dans un salon rustique de taille moyenne, inconnu de lui. Température : au moins vingt degrés, contrastant avec le froid hivernal du dehors. Les flammes du foyer éclairaient faiblement une moitié de la pièce. Leurs rougeoiements follets animaient les formes alentour. Juste devant lui, comme dans un bus, le dos d’un homme assis tassé sur sa droite. Accoudé sur sa cuisse comme s’il ployait sous son propre poids. Respiration sifflante, pénible, lente aussi. Le cœur de René cognait à tout rompre, à lui faire mal. A lui transpercer la poitrine. Un léger pivotement de la forme humaine venait de lui montrer qu’elle n’avait pas de bras gauche. La manche vide, pliée, semblait agrafée à l’épaule. Longues minutes d’absolu néant dans sa tête, de trop-plein dans sa gorge serrée. D’effroyable match nul bonheur - douleur. Si cruellement improbable, l’amputé était pourtant là. Mais où, d’ailleurs ? Il parla même, de sa voix chaude, sans se retourner : « Pourquoi tu restes loin, Coco ? ».
René était étranglé par l’effort de plus en plus vain de rentrer les larmes.
« Tu n’es pas content de me voir ? »
Sans comprendre comment, roulé par un Liamone en crue de sanglots, il se trouva maintenant assis à la droite de l’homme. Côte à côte, toujours à la façon de gens dans un autobus. Ses yeux brouillés se tournèrent vers le passager. C’était bien lui. En chair et en os. Comme vous et moi. Il avait voyagé et souffrait sans doute. Il respirait avec peine mais restait souriant. Il gardait le silence là-dessus, dans la bonté dont René avait toujours eu le cœur nourri.
« Tu me dis rien ? 
- Si. »
René désirait tellement lui en dire plus que ça. Il se retenait encore de le croire tout à fait possible. Incertain de lui-même autant que de la  réalité de la présence. Il craignait d’être victime d’une hallucination. Aucune raison pourtant d’éprouver un doute plus tenace : il s’imprégnait physiquement de cette odeur double. Il l’eût reconnue entre mille. Il ne l’avait plus respirée depuis cinq années. A l’instant, il y roulait. Il y noyait son âme. La légère âcreté d’une vie entière de courage et de travail au service du bien commun, mêlée à la fraîcheur d’une eau de Cologne toute simple, à l’extrait de lavande. Alors il l’achetait au litre, en pharmacie. A l’écart de toute préciosité ou esprit de mode. René en reconnaissait la marque, sans risque d’erreur. Rien à voir avec ces après-rasage chichiteux, eaux de toilette pour heummes  vendues en flaconnets ressemblant comme deux gouttes de parfum aux fioles pour femmes. Ce produit avait dû rester le même depuis la seconde guerre mondiale à laquelle il avait payé le tribut de son bras.
Le feu lui faisait du bien. René en recouvra une part de quiétude. L’homme soupira un « ah » profond de soulagement. Son bras droit, encore lourd, s’enroula autour de l’épaule du fils comme d’abandon ou de lassitude. La main unique qui avait tant travaillé et donné pendait maintenant contre sa poitrine. René la lui prit des deux siennes. Il ne put s’empêcher de la plaquer contre sa joue pour en capter la bonne chaleur sur sa peau. Il la baisa avec un respect indicible, en prenant garde de ne pas serrer trop fort. C’était bon. Cette main unique avait su le porter. Elle l’avait contenu, parfois. Il palpa l’annulaire, sentit la chevalière en argent de toujours, sauf qu’elle tournait autour du doigt qui avait maigri. René s’interrogeait sur le lieu où ils se trouvaient, devant ce feu. Aucun signe ne lui permettait de le déduire. Il comptait sur les mots qu’il allait entendre. Cette question, d’ailleurs, devenait incidente. Seule avait de l’importance SA présence, où qu’il fût…

Et enfin

Vide




Accommodant mal dans leur solitude



ils sentent en filigrane la chaleur de l’Aimé


lointaine sous silence sous regard sous présence


dont ils durent le départ à contrecœur accepter


eux vent sans direction piégé dans la moindre encoignure


que tout objet détourne mais qui traverse les murailles


sans franchir le seuil des tanières et terriers


qui violente l’espace entre les pages du livre clos


que sépare une photo à relief de montagne


Et puis, il y a toutes les étapes du travail, la musique qui les accompagne, mes questionnements et doutes qui se trouvent posés sur

https://facebook.com/michele.lenoir1

Juste d'autres pages du journal à découvrir
...






dimanche 3 février 2013

Ambulation - Carrefour - Voix du Silence ...

Voici que vient de s'incarner la seconde série de trois illustrations ...
Au total , il y en aura douze ...
Douze : quatre fois trois pour une lente métamorphose de la blessure de guerre à la paix ...
Douze comme une unité, comme un cycle de Vie ...
Merci à ceux qui, ici bas et au-delà invitent à ce que se réalise ce projet ...
Collaboration artistique 
 Poèmes de Henri-Louis Pallen
http://www.lierreentravail.com/index2.html
Illustrations de moi-même

Ambulation



Halo de brouillard autour d’un mont au-dessus d’Orbay
sous la garde du Lac noir et du Lac blanc ceints de neige,
sans menace apparente à la décadence du jour.
Mettre un pied devant l’autre par ici n’est jamais simple
bien que nul piège d’aucune sorte, présent au bois
ne doive mettre fin à la vie des gens qui promènent.
Malgré ce calme insigne, on est proche du danger.
A flâner sur la route peu de risque d’embuscade
autre que celle, trop imprévisible, du destin.
Les machines de guerre, endormies de longue date
mais toujours en faction ici ou là, en souvenirs,
ont tellement fait mourir par le passé qu’il en reste
en chacun d’entre nous une part de soi en débris,
une ruine secrète à bien des égards indicible,
passée sous silence, promise à rester dévastée.


Carrefour



La menace grondait sur l’étoile du Quatre-Vents,
verrou pour les deux dispositifs qui se faisaient face ;
des passereaux hasardaient leurs trilles vernaculaires.
Les camps avaient les moyens de la facture à régler
en membres perdus, en sang répandu, en innocence,
en familles privées d’horizon par le désespoir.
Les pères n’étaient plus qu’un prolongement de leurs armes ;
les hommes se comptabilisant dans le matériel
ils étaient là pour s’égaler aux machines de guerre,
hommes-gâchettes, hommes-grenades, hommes-viseurs
car la victoire finale seule était prise en compte.
On espérait ne jamais recevoir ce qu’on donnait
pour le pays aimé, de mitraille généreuse.
On faisait front, pas juste pour soi mais pour lui surtout
préparé à endurer, dans le corps comme dans l’âme
dans la reconquête du territoire, cher pays.
Touché d’un projectile ennemi, identique aux nôtres,
le corps lui-même n’est qu’un paysage dévasté
où le temps se charge d’aggraver le mal par la suite.
Pour qui n’est pas encore dans la voiture des morts
scoliose, déséquilibre de la colonne, voûte,
rappelleront tous les jours la guerre, au meilleur des cas.


Voix du silence




On te savait avare de mot doux mais tes yeux parlaient,
tu gardais pour toi la douleur, nous partagions le reste.
Parti homme à la guerre tu revins père avant tout,
moins un bras tu nous revins avec plus d’amour encore.

Comme s’ils n’avaient pas le même sens que pour nous
entre les mots et toi on sentait un sas de silence,
tu les pesais à l’aune de la douleur sans image
et du sang non métaphorique que tu as versé.

Tes joies rayonnaient car ton mal passait inaperçu,
avec toujours aux lèvres une bonne blague à rire ;
cependant que nous nous réjouissions autour de toi
tu endurais solitaire, sans le secours du dire.

Comment t’en savoir gré aujourd’hui, hormis être heureux
de décliner, liée à ta mémoire, notre joie
à être là, restés avec toi dans le filigrane
pour partager cette terre d’harmonie sous le ciel ?

Je comprends maintenant tout ce que tu ne disais pas,
père diffus, dont nous ressentons Ici la présence,
ce ne sont pas tes mânes que j’embrasse, mais toi
dont je sais la part reçue le matin, dans la lumière.


samedi 2 février 2013

La montre avec - Derniers pas - Elévation ...


Je prépare actuellement une expo en collaboration avec Henri-Louis Pallen
http://www.lierreentravail.com/index2.html
Elle se tiendra en Alsace, à partir du mois de Mai 2013 et sera un hommage à son père et par extension à tous ceux et celles qui ont résisté et résistent encore face aux oppresseurs ...
L'expo se construira sur 4 X 3 poèmes d'Henri-Louis et illustrations de ma part ...
Je vous livre ici le premier triptyque ...


La montre avec



            Il ne parlait jamais beaucoup, rarement vite,
Et gardait un goût de l’espace entre les mots,
Ne les appelant que dans leur pleine conscience.
Certains, trop vastes, ne lui correspondaient pas.
Il s’en moquait, feignant de ne pas les comprendre,
Je ne crois pas un instant qu’il les méconnût.
A vivre ils ne lui étaient guère nécessaires,
L’enfant en lui restait à l’écart de leur jeu ;
Il en utilisait des simples, pour tout le monde,
Qui exprimaient avec précision sa pensée.
Les siens portaient la trace du coin de l’épreuve,
Chacun pesé à l’once de l’arrachement.
Sachant bien ce que sang et douleur veulent dire,
Il n’employait qu’avec force parcimonie
(Le silence lui semblant mieux qu’eux les traduire)
Les justes mais douloureux, sans s’en défier.
Il les taisait plutôt, préférant le partage
Des joies présentes, des promesses du futur.
Mesuré, il regardait toute la balance
Par nostalgie de son équilibre perdu. 


Derniers pas



Animal dans la neige mordante, jusqu’où
Espères-tu pousser ainsi ton hébétude
Petit pas après petit pas, en t’arc-boutant
Sur l’abrupte douleur qui plombe ton errance ?

Il faut tenir, quoi qu’il t’en coûte il faut tenir,
Corps et esprit tendus, acharnés à survivre,
Ce qui d’abord t’impose de rester debout ;
Sous l’averse du feu aucun secours n’avance.

Tu sais ta direction : plus de temps pour penser.
Bouge, surtout. N’attends compassion de personne.
Tout est là pour te perdre dans cet air glacé
Où le vent, et la nuit qui vient, se coalisent.

Qu’importe ce qui va t’échoir dans l’immédiat,
Au bout de cette ligne rouge que tu traces ;
Homme animal qui n’as plus rien de supérieur,
Ne cède pas à l’ankylose mortifère.

Piégé du coup par ce qui te reste étranger,
Soumis au mystère absolu de la violence,
Proche de lui avoir fait don de tout ton sang
Qui forme avec la neige une boue de géhenne ;

Deux pas, malgré l’obstacle de son épaisseur !
Interdit vaciller, juste quelques secondes.
La mort est douce. Si tu ploies elle te prend,
Tu glisseras inaperçu dans son vacarme.

Consacre ta dernière lueur de pensée
A l’assoiffée de vie qui t’attend comme source,
A ton fils déjà là, à moi qui ne suis pas,
Qui ce soir nous croyons dispensés de prière.

Elévation


A mon père
Nous sommes venus ensemble à tes autels de misère,
En fils que ne retient ni absence ni temps passé,
La frénésie du monde les fuyant en sens contraire
Du respect, de la réminiscence, la dilection.
Voici en actes ce que nous ne t’avons jamais dit
Dans le tourbillon de nos fébrilités respectives,
Lorsqu’en chair avec nous tu nous aurais bien entendus.
Sur un fond de clair-obscur que notre approche tamise
Nous voilà ni apitoyés, ni tristes, mais aimants,
Perclus de stupeur à la pensée de ta solitude,
Du sang que tu as versé pour nous maintenir en vie.
Il suit son rythme ce jour, sans nuage dans nos veines,
Par tous ces lieux de chaos devenus pays de bonheur.
La lumière du matin y apporte une vie libre
Où il est une grâce d’être tes prolongements.