samedi 16 février 2013

Suspens - Récit d'un rêve - Vide ...

Elle est née la troisième série de trois illustrations en vue de l'expo ...
Elle est née au froid de l'hiver, à un week-end sans feu , en lien direct avec les conditions de l'époque ...

Suspens 





Peu s’en faudrait que je doute que les morts ne soient plus,

qu’ils ne transmettent plus rien, aient perdu toute parole

malgré tant de présence vivante autour de nous,

qui se serait à eux substituée dans ce silence

selon un credo commun, affiché, définitif.

On ne se sent pas entier amarré aux certitudes

qui de toute façon disent plus qu’elles ne devraient,

quand un rai de soleil moins persuasif que les autres

échoue à submerger l’ombre d’une main en suspens

devant un éventail de questionnement sous sa feuille.

Pris d’inquiétude, on n’ignore pas toujours l’appel

même assourdi, de ce qui palpite par l’entourage

comme une jeune chênaie dans la brise du matin,

fût-ce en l’absence d’un filet d’air traversant la pièce.

Peu s’en faudrait que je croie les morts libres parmi nous

d’être regard, pensée, affleurant sous notre langage,

à nous tendre quelque trop propice pont des soupirs.

On s’y hasarde par seule fatigue ou par faiblesse,

voulant donner toujours mais inaptes à recevoir.


Vint ensuite le 

Récit d'un rêve 


                                Jusque dans la fiction : Récit d’un rêve (extrait de roman)


A force de penser à son père trop tôt parti, René s’endormait. Il se retrouva assis à califourchon sur une chaise devant un feu de bûches de chêne. C’était dans un salon rustique de taille moyenne, inconnu de lui. Température : au moins vingt degrés, contrastant avec le froid hivernal du dehors. Les flammes du foyer éclairaient faiblement une moitié de la pièce. Leurs rougeoiements follets animaient les formes alentour. Juste devant lui, comme dans un bus, le dos d’un homme assis tassé sur sa droite. Accoudé sur sa cuisse comme s’il ployait sous son propre poids. Respiration sifflante, pénible, lente aussi. Le cœur de René cognait à tout rompre, à lui faire mal. A lui transpercer la poitrine. Un léger pivotement de la forme humaine venait de lui montrer qu’elle n’avait pas de bras gauche. La manche vide, pliée, semblait agrafée à l’épaule. Longues minutes d’absolu néant dans sa tête, de trop-plein dans sa gorge serrée. D’effroyable match nul bonheur - douleur. Si cruellement improbable, l’amputé était pourtant là. Mais où, d’ailleurs ? Il parla même, de sa voix chaude, sans se retourner : « Pourquoi tu restes loin, Coco ? ».
René était étranglé par l’effort de plus en plus vain de rentrer les larmes.
« Tu n’es pas content de me voir ? »
Sans comprendre comment, roulé par un Liamone en crue de sanglots, il se trouva maintenant assis à la droite de l’homme. Côte à côte, toujours à la façon de gens dans un autobus. Ses yeux brouillés se tournèrent vers le passager. C’était bien lui. En chair et en os. Comme vous et moi. Il avait voyagé et souffrait sans doute. Il respirait avec peine mais restait souriant. Il gardait le silence là-dessus, dans la bonté dont René avait toujours eu le cœur nourri.
« Tu me dis rien ? 
- Si. »
René désirait tellement lui en dire plus que ça. Il se retenait encore de le croire tout à fait possible. Incertain de lui-même autant que de la  réalité de la présence. Il craignait d’être victime d’une hallucination. Aucune raison pourtant d’éprouver un doute plus tenace : il s’imprégnait physiquement de cette odeur double. Il l’eût reconnue entre mille. Il ne l’avait plus respirée depuis cinq années. A l’instant, il y roulait. Il y noyait son âme. La légère âcreté d’une vie entière de courage et de travail au service du bien commun, mêlée à la fraîcheur d’une eau de Cologne toute simple, à l’extrait de lavande. Alors il l’achetait au litre, en pharmacie. A l’écart de toute préciosité ou esprit de mode. René en reconnaissait la marque, sans risque d’erreur. Rien à voir avec ces après-rasage chichiteux, eaux de toilette pour heummes  vendues en flaconnets ressemblant comme deux gouttes de parfum aux fioles pour femmes. Ce produit avait dû rester le même depuis la seconde guerre mondiale à laquelle il avait payé le tribut de son bras.
Le feu lui faisait du bien. René en recouvra une part de quiétude. L’homme soupira un « ah » profond de soulagement. Son bras droit, encore lourd, s’enroula autour de l’épaule du fils comme d’abandon ou de lassitude. La main unique qui avait tant travaillé et donné pendait maintenant contre sa poitrine. René la lui prit des deux siennes. Il ne put s’empêcher de la plaquer contre sa joue pour en capter la bonne chaleur sur sa peau. Il la baisa avec un respect indicible, en prenant garde de ne pas serrer trop fort. C’était bon. Cette main unique avait su le porter. Elle l’avait contenu, parfois. Il palpa l’annulaire, sentit la chevalière en argent de toujours, sauf qu’elle tournait autour du doigt qui avait maigri. René s’interrogeait sur le lieu où ils se trouvaient, devant ce feu. Aucun signe ne lui permettait de le déduire. Il comptait sur les mots qu’il allait entendre. Cette question, d’ailleurs, devenait incidente. Seule avait de l’importance SA présence, où qu’il fût…

Et enfin

Vide




Accommodant mal dans leur solitude



ils sentent en filigrane la chaleur de l’Aimé


lointaine sous silence sous regard sous présence


dont ils durent le départ à contrecœur accepter


eux vent sans direction piégé dans la moindre encoignure


que tout objet détourne mais qui traverse les murailles


sans franchir le seuil des tanières et terriers


qui violente l’espace entre les pages du livre clos


que sépare une photo à relief de montagne


Et puis, il y a toutes les étapes du travail, la musique qui les accompagne, mes questionnements et doutes qui se trouvent posés sur

https://facebook.com/michele.lenoir1

Juste d'autres pages du journal à découvrir
...






8 commentaires:

  1. Textes et peintures émouvants. Où l'expo a-t-elle lieu ?

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  2. Oups, j'ai du chercher ;-))
    L'expo aura lieu en l'Hôtel de Ville de Horbourg-Wihr (proche banlieue de Colmar) en mai et juin prochains ;-))
    Voici, voilà, vous y êtes la bienvenue ;-))

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  3. Sous l'aile du silence
    la beauté chuchote
    cette présence infinie

    amitié vers toi
    ma chère Kaïkan

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  4. je suis une fois encore admiratif
    besos
    tilk

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  5. Merci Kaikan pour les messages sur mon blog. Dommage que Colmar soit si loin !

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  6. Très émue par tout ce que j'ai découvert ici... en mots, en œuvres picturales, en sensations... Marithé

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  7. Cette superbe illustration (j'ai aussi les yeux tout émerveillés des autres) me donne le vertige comme si il y avait une porte sur un inconnu sans limites. Je t'embrasse.

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  8. Je suis revenue passer du temps sur le Kaïkan. Il est reparti pour une superbe navigation et cela me donne de l'énergie. Je t'embrasse.

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