Je prépare actuellement une expo en collaboration avec Henri-Louis Pallen
http://www.lierreentravail.com/index2.html
Elle se tiendra en Alsace, à partir du mois de Mai 2013 et sera un hommage à son père et par extension à tous ceux et celles qui ont résisté et résistent encore face aux oppresseurs ...
L'expo se construira sur 4 X 3 poèmes d'Henri-Louis et illustrations de ma part ...
Je vous livre ici le premier triptyque ...
La montre avec
Il ne parlait jamais beaucoup, rarement vite,
Et gardait un goût de l’espace entre les mots,
Ne les appelant que dans leur pleine
conscience.
Certains, trop vastes, ne lui correspondaient
pas.
Il s’en moquait, feignant de ne pas les
comprendre,
Je ne crois pas un instant qu’il les méconnût.
A vivre ils ne lui étaient guère nécessaires,
L’enfant en lui restait à l’écart de leur
jeu ;
Il en utilisait des simples, pour tout le
monde,
Qui exprimaient avec précision sa pensée.
Les siens portaient la trace du coin de
l’épreuve,
Chacun pesé à l’once de l’arrachement.
Sachant bien ce que sang et douleur veulent
dire,
Il n’employait qu’avec force parcimonie
(Le silence lui semblant mieux qu’eux les
traduire)
Les justes mais douloureux, sans s’en défier.
Il les taisait plutôt, préférant le partage
Des joies présentes, des promesses du futur.
Mesuré, il regardait toute la balance
Par nostalgie de son équilibre perdu.
Derniers pas
Animal dans la neige mordante,
jusqu’où
Espères-tu pousser ainsi ton hébétude
Petit pas après petit pas, en
t’arc-boutant
Sur l’abrupte douleur qui plombe ton
errance ?
Il faut tenir, quoi qu’il t’en coûte
il faut tenir,
Corps et esprit tendus, acharnés à
survivre,
Ce qui d’abord t’impose de rester
debout ;
Sous l’averse du feu aucun secours
n’avance.
Tu sais ta direction : plus de
temps pour penser.
Bouge, surtout. N’attends compassion
de personne.
Tout est là pour te perdre dans cet
air glacé
Où le vent, et la nuit qui vient, se
coalisent.
Qu’importe ce
qui va t’échoir dans l’immédiat,
Au bout de
cette ligne rouge que tu traces ;
Homme animal
qui n’as plus rien de supérieur,
Ne cède pas à
l’ankylose mortifère.
Piégé du coup
par ce qui te reste étranger,
Soumis au
mystère absolu de la violence,
Proche de lui
avoir fait don de tout ton sang
Qui forme
avec la neige une boue de géhenne ;
Deux pas, malgré
l’obstacle de son épaisseur !
Interdit
vaciller, juste quelques secondes.
La mort est
douce. Si tu ploies elle te prend,
Tu glisseras
inaperçu dans son vacarme.
Consacre ta
dernière lueur de pensée
A l’assoiffée
de vie qui t’attend comme source,
A ton fils déjà là, à moi qui ne suis pas,
Qui ce soir
nous croyons dispensés de prière.
Elévation
A mon père
Nous sommes venus ensemble à tes autels de
misère,
En fils que ne retient ni absence ni temps
passé,
La frénésie du monde les fuyant en sens
contraire
Du respect, de la réminiscence, la dilection.
Voici en actes ce que nous ne t’avons jamais
dit
Dans le tourbillon de nos fébrilités
respectives,
Lorsqu’en chair avec nous tu nous aurais bien
entendus.
Sur un fond de clair-obscur que notre approche
tamise
Nous voilà ni apitoyés, ni tristes, mais
aimants,
Perclus de stupeur à la pensée de ta solitude,
Du sang que tu as versé pour nous maintenir en
vie.
Il suit son rythme ce jour, sans nuage dans
nos veines,
Par tous ces lieux de chaos devenus pays de
bonheur.
La lumière du matin y apporte une vie libre
Où il est une grâce d’être tes prolongements.